Bienvenue sur les BD du Chat Noir

Ce blog est destiné aux amateurs de bandes dessinées en tout genre. Ils s'agit tant de mettre en avant des coups de coeurs que de faire un éclairage spécifique sur une oeuvre ou l'actualité.

Ce blog est né de la volonté de partager ma passion pour le neuvième art.
A l'heure où la bande dessinée voit ses limites constamment repoussées, alors qu'elle mute et qu'on la trouve sur toute sorte d'écran, lorsqu'à l'échelle de notre petite planète les genres fusionnent et donnent ainsi de nouvelles générations prometteuses, nous sommes conscients que la bande dessinée est en train de vivre des heures nouvelles. Sorti de l'enfance, cet art longtemps décrié est en train de passer le cap de l'adolescence, un magma bouillant d'énergies, d’innovations et d'envies.
C'est cette aventure que nous souhaitons partager.

mardi 29 novembre 2011

Nankin

© Nicolas MEYLAENDER, Zong KAI, Editions Fei

A Nankin, un avocat recherche des informations sur le massacre qui fut perpétré en cette ville par l'armée japonaise en décembre 1937. Alors, ancienne capitale de la Chine Nationaliste de Chang Kai-Chek, la ville fut le lieu d'humiliations, de viols, d'exécutions arbitraires qui se sont abattues sur la population civile. En six semaines, le « Massacre de Nankin » fera plus de 300 000 victimes.
Notre avocat est sur les traces de Xia Shuqin qui était alors âgée de 7 ans. Nous le suivons alors qu'il recueille les divers témoignages qui lui permettront de constituer le dossier de cette femme. Au fur et à mesure des rencontres, on entrevoit sous différentes facettes les horreurs de ce massacre.

© Nicolas MEYLAENDER, Zong KAI, Editions FEI
Tirée d'une histoire vraie, ce manhua a sans nul doute la vocation d'un message universel à l'encontre du négationnisme. Brandissant le devoir de mémoire, il réveille en nous la vigie qui sommeille. La plongée dans cette Chine tourmentée ouvre nos yeux d'occidentaux sur d'autres expressions de ce que peut donner l'homme au sens barbare du terme. Un coup de fouet qui permet de relever la tête.

L'album utilise trois tons pour donner l'ambiance : le gris pour la narration, le bleu pour le présent, le rouge pour le passé. L'utilisation des aplats pour ces trois couleurs nous donne l'impression d'être devant des estampes. Cette sensation est renforcée par le trait marqué et puissant de Zong KAI. La gestion des ombres et l'utilisation de ce rouge sang omniprésent nous acculent à ce drame. Aussi, lorsque l'on tombe sur les pleines pages, le flux d'émotions est quasi-insupportable et lorsqu'enfin le ciel bleu pointe, on reprend sa respiration.
Les éditions Fei signent ici un one shot saisissant à vocation documentaire. On retrouve cet opuscule toujours dans le format italien distingué qui leur est cher.

© MEYLAENDER, KAI, Editions FEI







Nankin, Nicolas MEYLAENDER, Zong KAI, Editions Fei , 2011

samedi 26 novembre 2011

La Horde du Chat Noir n°4

 ELRIC

Je lance un défi aux dessinateurs de BD qui s'aventureraient sur ce blog. Plus qu'un défi, une aventure, constituer : 
"La Horde du Chat Noir" 

Le principe est simple. Dessinateur cours à tes crayons, feutres, pinceaux. Armé de ton talent concocte nous un chat noir dont tu as le secret. Je me charge de régaler de manière hebdomadaire le cher public de ce blog de son Chat Noir dominical, une caresse dans le sens du poil. L'ensemble de ces chats noirs se retrouveront par la suite sur la galerie de ce même blog et constitueront : la Horde du Chat Noir. 
Preux dessinateur merci pour ton audace. 


 © Photo Laurent Mélikian
Un grand merci à ELRIC qui a réalisé le 4ème Chat Noir de la Horde. 

Ce petit personnage si mignon s'appelle Pelotte et c'est le compagnon d'Harold dans Marche où rêve chez Dargaud (Cf. sur ce blog la chronique du 3 novembre). 

Actuellement, Elric écrit et dessine une histoire courte de Popeye pour un album collectif aux éditions Onapratut, sortie courant 2012. Il avait collaboré au préalable pour le même éditeur aux Nouveaux Pieds Nickelés. Ce recueil, regroupant de jeunes talents et de vieux routards de la BD, confrontait les personnages mythiques de Louis Forton au XXIème siècle.

Elric est également en résidence à la Maison des Auteurs à Angoulême pour y développer un projet. C'est un récit intimiste sur un jeune artiste confronté à la réalité économique qui décide de faire des faux tableaux de son illustre ancêtre peintre. Elric assure le dessin et co-scénarise avec son ami romancier François Darnaudet.



mercredi 23 novembre 2011

DoggyBags

© Run, Maudoux, Singelin, Ankama

Le ton est rétro d'entrée. RUN fait une intro à la Frank Miller dans the Dark Knight.
Il évoque d'abord sa jeunesse, puis le côté négatif de la censure qui a sinistré pour plus de vingt ans le monde de la bande dessinée, reléguant le genre à du cartoon pour un public d'enfants. Aussi, c'est chargé d'une certaine nostalgie qu'il finit en faisant l'apologie du comic pour adulte. Défenseur du genre, les BD de Run arborent systématiquement un tampon stipulant : "Disapproved by the Comic Code Authority", détournant ainsi le tampon de la mise à l'index. Comme si cela ne suffisait pas, en roi de la provoc, on retrouve un peu partout des slogans tel que : "Violence 100% graphique".













Ce comic book est un recueil de trois histoires déjantées à souhait. L'ensemble a une forme de road movie à la sauce Tarantino. Et ça dépote.    
Guillaume SINGELIN (King David, The Grocery) entame avec la course poursuite angoissante d'une jeune fille face à une horde de motards lycanthropes assoiffés de sang.
Florent MAUDOUX (Freak's Squeele) nous narre l'histoire de Masiko la dangereuse fugitive qui change systématiquement de planque avec son bébé dans le dos. Toute l'histoire et la fin particulièrement sont un hommage à Lone Wolf & Cub  de Kazuo Koike et Goseki Kojima.
Enfin, RUN (Metafukaz) ferme la danse avec Mort ou vif. Un excellent road movie en milieu désertique où un agent de police poursuit un braqueur et où il n'y a de place que pour la fatalité : "le crime ne paie pas!"
Un ensemble homogène de qualité, stéréotypé american way of life. On a exactement ce qu'on est venu chercher.
Une perle dans le label 619, champ expérimental de Run en tant que directeur de collection. Un beau comic book comme seul Ankama sait les faire, avec en cadeau un poster. Vivement la suite.

La bande annonce tout autant déjantée :


DoggyBags, Run, Florent Maudoux, Guillaume Singelin, Ankama, Label 619, 2011

lundi 21 novembre 2011

Polina

© Bastien, VIVES, Casterman

Polina Oulinov n'a que six ans lorsqu'elle est sélectionnée pour rentrer à l'académie de danse. Repérée par le professeur Bojinski, elle va suivre les enseignements classiques de cet homme strict et rude.
L’enfant - n'ayant pas nécessairement conscience de son potentiel - se heurte à la rigueur du professeur.
Bastien VIVES nous propose un récit intimiste d'une grande densité. Avec simplicité, il évoque le mal-être de cette jeune fille que l'on sent tout à la fois fragile et avec un énorme potentiel.
Il aborde non sans finesse et psychologie le tortueux rapport au maître dans toute son ambiguïté.

Une ambiance particulière règne dans ce roman, cette sensation est amplifiée par le postulat de Vivès. En effet, il gomme les regards de la plupart des personnages, ainsi on ne s'embarrasse pas de l'expression des visages pour seulement suivre la narration. La lecture s'en trouve plus fluide.

© B. VIVES, Casterman
Il opte pour un trait jeté à la Baudouin donnant au personnage de Polina la finesse d'une jeune biche et une incroyable sensualité.

Si Bastien Vivès était considéré comme une jeune révélation lors de la sortie du Goût du chlore, avec Polina  il signe une oeuvre mature qui fera date.




Polina, Bastien VIVES, Casterman, KSTR, 2011

dimanche 20 novembre 2011

La Horde du Chat Noir n°3

Virginio VONA


Je lance un défi aux dessinateurs de BD qui s'aventureraient sur ce blog. Plus qu'un défi, une aventure, constituer :
"La horde du Chat Noir"
Le principe est simple. Dessinateur cours à tes crayons, feutres, pinceaux. Armé de ton talent concocte nous un chat noir dont tu as le secret. Je me charge de régaler de manière hebdomadaire le cher public de ce blog de son Chat Noir dominical, une caresse dans le sens du poil. L'ensemble de ces chats noirs se retrouveront par la suite sur la galerie de ce même blog et constitueront : la Horde du Chat Noir.
Preux dessinateur merci pour ton audace.

Un grand grazie mille à Virginio VONA pour la gentillesse et le brio avec lesquels il a réalisé le 3ème fils de la Horde du Chat Noir. Un chat noir venu directement de l'enfer de Dante.

Virginio VONA et IAH-El ont créé un univers à part. Dans un monde décadent, ou le totalitarisme règne, on suit le parcours de Fenice l'immortel. Fenice est le dernier survivant d'une dynastie intemporelle et il a fauté. Le lecteur est entraîné dans une descente aux enfers, dans une quête frénétique pleine de sensations.
Héritier du cyber punk, les paysages sont parfois des dédales d'architectures qui nous rappellent l'univers de Druillet. On retrouve également dans le dessin de Virginio les influences du comic et du manga. Il entrecroise les techniques pour arriver au rendu souhaité.

 © V. VONA & IAH-HEL, 3TPF
Prêchant cette BD monde, il n'y a qu'à voir l'énergie avec laquelle Virginio dessine pour comprendre qu'il vit le dessin. Son trait est nerveux et ainsi il donne vie à un personnage et à un univers écorché. Les cadrages audacieux, le choix des angles de vue rendent le geste surdimensionné, sublimant ainsi le sens. Surprenant, dans ce monde en noir et rouge, Fenice incarne un espoir poétique.


vendredi 18 novembre 2011

Frenchman

 © Patrick PRUGNE, Daniel Maghen Ed°
Attention ! Préparez-vous à partir à l'aventure. Bien que nous ne plongions pas dans les eaux de Stevenson, nous suivons des rivages proches de son oeuvre. Le voyage qui s'offre à nous siège au coeur des terres de Cooper et est ponctué d'une logique somme toute londonienne.
Suivez l'histoire d'Alban un jeune paysan normand qui se retrouve enrôlé pour la Nouvelle-Orléans. L'implacable vénalité des hommes lui a ravi le peu de chance qu'il lui restait. Outre le fait d'avoir été choisi à la place d'un nobliau, Louis l'amant de sa soeur, à peine arrivé dans le nouveau monde sa tête est mise à prix. Il ne devra son salut qu'à l'intervention d'un homme : un Frenchman (nom donné par les colons américains aux français canadiens, ils étaient généralement des hommes des bois, des éclaireurs réputés). Dès lors les deux comparses fuient et s'enfoncent dans les terres sauvages. C'est pour Alban le début d'une initiation.
Patrick PRUGNE nous offre ici un fort joli scénario qu'il signe en solo. Partant d'un décor normand passif, l'entrée dans le nouveau monde et surtout l'immersion dans les terres sauvages donnent la sensation d'une montée en puissance particulièrement bien servie par des prises de vues variées.
Certains personnages sont façonnés à la taloche, tel cet énigmatique Toussaint Charbonneau, plus proche de l'ours que de l'homme. Certains sont même disgracieux en comparaison avec la beauté foisonnante de la nature.

© P. PRUGNE, D. Maghen Ed°
Depuis Canoë Bay, le dessin de Prugne ne cesse de gagner en maturité. Le trait est d'une finesse rare et Prugne se permet même de le faire disparaître pour nous laisser plonger dans les couleurs. Et quelles couleurs!
Une dualité formidable ressort de ses aquarelles. Si l'on ressent parfaitement l'hostilité de la nature, pour autant, on a le sentiment de prendre une grande bouffée d'air frais. On reste sur une finale mentholée.
On apprécie également l'objet et on reconnait la touche des éditions Daniel MAGHEN. Le célèbre galeriste aurait pu se contenter de faire un beau livre, de concert avec Prugne, ils nous offrent un riche livret de Publier le messagecroquis prolongeant de la sorte cette sensation de fraîcheur mentholée. Difficile de refermer un tel ouvrage.

Frenchman, Patrick Prugne, Daniel Maghen éditions, 2011

mercredi 16 novembre 2011

Partouze Géante!

© Les Requins Marteaux
© Les Requins Marteaux

Angoulême 2011. Ceux qui n'y étaient pas ne peuvent pas comprendre.

Nous étions arrivés le mercredi soir, histoire de prendre nos repères. Vernissage d'expo, petit resto, bar du Chat Noir... Le plaisir et la bonne humeur étaient déjà là. Partout où l'on passait ce tract rose revenait comme un leitmotiv et attirait l’œil comme l’enseigne d'un bordel. N'y croyant pas ! Au départ, nous nous sommes amusés à le lire plusieurs fois.
Les Requins Marteaux pour le lancement de leur collection "BD Cul" invitaient n'importe quel quidam à participer sur leur stand à une partouze Géante sous la "Bulle mes Couilles". Le tout à une heure grand public.
Autant dire que cela fit des gorges chaudes et nous nous improvisâmes les ambassadeurs de cet évènement  en en parlant à tous les copains que l'on croisait.
Le lendemain, à l'heure dite, à la Bulle Mes Couilles, après avoir pris un apéritif décontractant...

Je ne saurai dire ici ce qui c'est réellement passé. Les curieux le trouveront aisément sur le net. Cependant, pour les sales petits vicieux une session de rattrapage est prévue pour la sortie du quatrième tome de la collection Les melons de la colères de Bastien Vivès (auteur du remarquable Polina chez Casterman) :

© Les Requins Marteaux

Pour approfondir et combler le trou (soutenir les Requins) :
Editions des requins Marteaux, Collection BDCul
- Les melons de la colère, Bastien Vivès
- Teddy Beat, Morgan Navarro
- La planète des Vülves, Hugues Micol
- Comtesse, Aude Picault

mardi 15 novembre 2011

Gringo

© Osamu TEZUKA, Kana 

Dans un monde où la concurrence est féroce, entraîné de mutation en mutation, Hitoshi Himoto atterrit dans la république bananière de Santa Luna. Il y découvre un autre monde : dictature, misère, corruption, insurrection. Désormais considéré comme le "gringo", Hitoshi devra faire face à de multiples obstacles pour négocier avec les rebelles l'accès, l'achat et l'export de précieux minerais tout en louvoyant parmi les politiques locaux et sa hiérarchie ! 
Ce manga, s'il montre le déterminisme d'un homme prêt à tout pour réussir, aborde également le problème de la différence, de la nationalité. L'homme malgré ses convictions n'en sortira pas indemne.
Dans son introduction de l'Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien, Marc Bloch écrivait : "L’inachevé, s’il tend perpétuellement à se dépasser, a, pour tout esprit un peu ardent, une séduction qui vaut bien celle de la plus parfaite réussite." Nous sommes bien là devant un manga inachevé. Osamu TEZUKA a laissé ainsi plusieurs oeuvres de la sorte derrière lui. Paradoxalement, il s'agit bien d'une des oeuvres les plus réussies de Tezuka. 

© Osamu TEZUKA, Kana 
Peut-être est-ce dû au fait qu'il a mis beaucoup de lui dedans. Car si l'histoire se passe principalement en Amérique Latine, c'est un prétexte pour parler du Japon, de lui en tant que japonnais. Lui le "Dieu du manga" au Japon, mais un simple japonais dans un autre pays. La construction du personnage central Hitoshi Himoto (le nom veut dire "le japonais") en dit long : un talentueux directeur d'une multinationale qui se dévoue corps et âme à son entreprise. Un bourreau de travail faustien comme Tezuka a pu l'être. "S'il te plaît, laisse moi travailler", c'est ainsi qu'à la fin l'auteur suppliait son propre corps sur son lit d’hôpital. L'ex-médecin qu'il était n'avait cependant guère d'illusions sur son devenir. 
C'est une réussite également, car le maître est au sommet de son art. Deux ans avant d'attaquer Gringo, Tezuka vient de finir son chef d'oeuvre l'Histoire des 3 Adolfs. Que ce soit au sens narratif ou graphique, il est vraiment le "Dieu du Manga". Nous sommes devant les dessins d'un Tezuka mûr, il y a un dynamisme fou qui ressort de ce manga.
Gringo nous emmène au coeur d'une intrigue politico-financière de haut vol mais toujours avec le style inimitable du maître du manga.

Gringo, Osamu TEZUKA, Kana, Sensei, 2009

dimanche 13 novembre 2011

La Horde du Chat Noir n°2

MIC

Je lance un défi aux dessinateurs de BD qui s'aventureraient sur ce blog. Plus qu'un défi, une aventure, constituer :
"La horde du Chat Noir"
Le principe est simple. Dessinateur cours à tes crayons, feutres, pinceaux. Armé de ton talent concocte nous un chat noir dont tu as le secret. Je me charge de régaler de manière hebdomadaire le cher public de ce blog de son Chat Noir dominical, une caresse dans le sens du poil. L'ensemble de ces chats noirs se retrouveront par la suite sur la galerie de ce même blog et constitueront : la Horde du Chat Noir.
Preux dessinateur merci pour ton audace.

Un grand merci à MIC qui a relevé le "Défi du Chat Noir" et nous propose le deuxième fils de la Horde.

MIC est l'auteur de Ma vie de Wouf et de Michel chien fidèle chez Paquet. Ma vie de Wouf, sous l"aspect d'une fresque animalière retrace sa vie d'instit s'impliquant dans la vie de sa commune et s'initiant au joie du blog. Chaque planche est ponctuée par le rire, deux, trois fois, car il a opté pour le périlleux running gag. En trois cases, il nous renvoi un reflet saisissant de sa vie, de notre vie. Son humour est touchant et sans amertume.

Mic travaille actuellement sur le tome 3 de Michel chien fidèle en duo avec STI. Cette série, prépubliée dans le Journal de Mickey raconte un chien dont on voudrait faire un chien de garde. Un rôle dur à assumer pour lui qui préfère les orgies de croquettes.

http://maviedewouf.blogspot.com/
http://michelchienfidele.blogspot.com/

vendredi 11 novembre 2011

Airbone 44, Omaha Beach

 © Philippe JARBINET, Casterman

6 juin 1944, alors que Gavin est à deux doigts de débarquer sur la plage d'Omaha Beach, il se remémore son idylle avec Joanne. Suite aux différents blocus, il n'a plus la moindre nouvelle d'elle. En 1938, ils s'étaient rencontrés sur cette même plage normande. Le jeune américain en vacances et la jeune française se sont jurés de toujours s'aimer.
A travers leur échange épistolaire, Philippe JARBINET dresse deux visions différentes de la guerre. Joanne, vivant de l'intérieur cet enfer et Gavin de l'autre côté de l'atlantique. La première est tentée de s'engager dans la résistance et le second peste après son pays qui tarde à rentrer dans cette guerre.
Après la bataille des Ardennes, Philippe Jarbinet revient avec le premier tome de ce nouveau diptyque sur le débarquement de Normandie. Le travail de recherche est impressionnant. Il maîtrise parfaitement les décors, les faits, les personnages. Grâce à un choix minutieux des  plans et des cadrages, il nous permet de saisir de manière limpide des faits troubles de notre histoire. En outre, il a un véritable don pour mélanger la petite et la grande histoire.
 © Philippe JARBINET, Casterman
A certains moments, il use d'artifices, comme par exemple l'étirement de la narration, pour accentuer la dramatisation du récit. La planche 26 (page 28) est particulièrement réussie.
La beauté des couleurs directes élève ce drame amoureux et historique au rang d'une véritable fresque.





Airbone 44, Omaha Beach, t.3, Philippe JARBINET, Casterman, 2011

mercredi 9 novembre 2011

Hergé cagoulé

Avant © ?
Après © M. Cabanes


L'heure est pour le moins tardive.
Chat Noir et Mercure sont derrière nous. Nonchalamment, nous glissons sur la rue de Marengo. On s'use dans un ultime débat, la tête pleine de souvenirs.
Au niveau de la patte d'oie, il y a un petit groupe arrêté. A hauteur, là devant nous, Hergé cagoulé.
Le bougre nous arrache des gloussements.
La nouvelle œuvre est alors appréciée et interprétée. La cagoule est soignée. Certainement, l'œuvre d'un commando fada, invoquant le dieu Underground. Des adeptes de la ligne pas très claire, anti-gaufrier, fervent défendeur de la tache d'encre… On rentre. 

Le lendemain, la cagoule a disparu. Un mirage. Le sourire de la "Joconde Hergé" n'en est que plus expressif.

Angoulême, 2011
Encore après, peut-être aujourd'hui © ?

lundi 7 novembre 2011

Les Ignorants

© Etienne DAVODEAU, Futuropolis

Enfin, un livre qui parle du vin et de la BD. Nous ne saurions dire si Gutenberg en 1454 inventa la presse à caractère mobile en s'inspirant d'un pressoir à vin, mais il y a comme ça des rapprochements, des parallèles que l'on peut faire aisément entre ces deux territoires alchimiques.
Nous sommes ici en présence de deux maîtres, Etienne DAVODEAU dessinateur de BD et Richard LEROY vigneron. L'un roi du crayon, l'autre du chenin. Chacun ignore tout ou presque du monde de l'autre. 
Partant de ce constat, ils vont partager ensemble de nombreux moments le temps pour l'un de faire un album et pour l'autre une vinification.

© Etienne DAVODEAU, Futuropolis
Davodeau nous assoit en témoins privilégiés de cette rencontre atypique. C'est en intimes que nous les suivons chez Gibrat, Mathieu, Guibert, dans les bureaux de Futuropolis, à St Malo. On s'amuse alors à comparer un tonnelier et un imprimeur, un album et une cuvée, un style et un terroir...
Le lecteur est bercé par des séquences didactiques et d'autres plus légères faites de longues discussions ou l'on peut rire tout à tour, de la naïveté de chacun. On est enjoué par cette complicité qui grandit.
Cette bande dessinée autobiographique entre journal et reportage est réalisée avec un trait vif et rapide. Celui du croquis qui saisit l'instant pur, Davodeau trahit ainsi son exigence de nous transmettre quelque chose d'authentique.
Un ouvrage qui pourrait bien convertir quelques personnes à la BD. Quant à initier les auteurs de BD au vin...

.Les Ignorants : récit d'une initiation croisée, Etienne DAVODEAU, Futuropolis, 2011.

dimanche 6 novembre 2011

"La Horde du Chat Noir" n°1

Emmanuel ROUDIER


Je lance un défi aux dessinateurs de BD qui s'aventureraient sur ce blog. Plus qu'un défi, une aventure, constituer :

"La horde du Chat Noir"

Le principe est simple. Dessinateur cours à tes crayons, feutres, pinceaux. Armé de ton talent concocte nous un chat noir dont tu as le secret. Je me charge de régaler de manière hebdomadaire le cher public de ce blog de son Chat Noir dominical, une caresse dans le sens du poil. L'ensemble de ces chats noirs se retrouveront par la suite sur la galerie de ce même blog et constitueront : la Horde du Chat Noir.
Preux dessinateur merci pour ton audace.

Voici le premier Chat Noir de la horde :

C'est Emmanuel ROUDIER qui a eu l'extrême gentillesse de le réaliser. Il a pour cela toute ma reconnaissance, il est bien plus qu'un ami.
Emmanuel ROUDIER est l'auteur de Vo'Houna (Soleil), de Néandertal (Delcourt, cf chronique du 01/11/11 dans ce blog) et d'un album jeunesse Ao, petit néandertal (Milan). Il travaille actuellement sur deux projets : la fin de Vo'houna en intégrale et une adaptation de la Guerre du feu  de Rosny Aîné chez Delcourt.
Son oeuvre principalement axée sur la préhistoire explique ce Chat noir aux dents de sabres.

Des Bêtes

©François ROUSSEL, Max Milo 2011

Le titre évocateur donne le ton : la loi de la nature, la loi de la jungle, la rudesse des grandes solitudes,... Ici le règne animal est pris dans son ensemble. Darwinien dans l'âme, François ROUSSEL nous propose une série à gags hilarante (Prix Humour à Chambéry 2008).
Partant d'un bestiaire de base auquel il rajoute de temps en temps des petits nouveaux, chaque personnage est travaillé soigneusement, forgé par l’orfèvre ROUSSEL. Au fil des gags, on retrouve avec plaisir ces bêtes qui retombent systématiquement dans la même et implacable logique. Force du gag à répétition, on sait d'avance comment tout cela va finir, mais c'est dans la manière que réside le panache.
S'inscrivant dans un gaufrier élégant, l'utilisation d'aplats de couleurs donne un caché brut qui correspond complètement à cette série.

Une série qui m'a fait redécouvrir avec bonheur la bd à gags. Un humour sur le fil du rasoir qui fera rire les enfants et s’esclaffer les grands.
Toujours constant, ce tome 5 est une perle peut-être même le meilleur de François.

Des Bêtes 5 : Nés pour courir, François Roussel, Max Milo, 2011, 11€80
http://roussel-desbetes.blogspot.com/

jeudi 3 novembre 2011

Marche ou rêve


©Dargaud Edition 2011
Comme chaque été Harold (19 ans) va chez sa grand-mère dans sa Bretagne natale. Mais cette année là, rien ne se passe comme prévu. D'abord, il constate passablement qu'il n'a plus rien à dire à sa meilleure amie. Ensuite, alors qu'il a une petite amie, il se sent irrésistiblement attiré par une fille marginale. Enfin, et surtout, il découvre accidentellement que son père qu'il n'a jamais vraiment connu est revenu en France, et qu'il a un demi-frère. 
Bien que l'ensemble paraisse léger, on lit les déboires de ce jeune homme avec beaucoup d'intérêt. Ces rêveries, ces faiblesses ou même parfois sa lâcheté sont un peu les nôtres. Il y a encore cette naïveté touchante de l'adolescence. On ressent bien qu'à contre coeur Harold doit se remettre en question, c'est le passage à l'âge adulte, De ce fait, il ressort de cettte chronique sociale à la dérive une légère amertume.
Les personnages sont particulièrement bien travaillés et attachants.
Le trait épuré fonctionne parfaitement avec la légèreté de l'ensemble. Une démarche originale pour ce one-shot car il est réalisé à quatre mains par Laurel (Scénario, dialogues, encrage et couleurs) et Elric (Crayonné et lettrage).

Marche ou rêve, LAUREL & ELRIC, Dargaud, 2011, 12,95

mercredi 2 novembre 2011

Le Chien Gardien d'Etoiles

© Le chien gardien d'Etoiles, Takashi MURAKAMI, Edition Sarbacane / Futabasha
Dans un terrain vague, une voiture est abandonnée. A l'intérieur, la police retrouve le cadavre d'un homme  et à ses pieds celui d'un petit chien. L'homme serait là depuis plus d'un an, le chien depuis seulement trois mois.
Ce manga bouleversant est composé de deux histoires qui se rejoignent.
La première est celle de cet homme et de son chien. L'arrivée du chien dans la famille correspond à un point de départ. Celui qui le mènera d'une vie familiale heureuse à la déchéance. Le héros est pris en otage par la vie et il glisse vers une irréversible chute. Fuyant cette société, il part sur la route avec sa voiture sans retour possible. Avec lui son seul soutien : le petit chien. 
La seconde histoire est celle d'un assistant social qui suite à la trouvaille des policiers va faire son enquête pour organiser les funérailles de cet homme. L'enquête n'est pas simple et il a du mal à trouver les traces de cet individu. Comprenant la relation que l'homme et le chien entretenaient, cela réveille en lui certains démons. Il ira jusqu'à prendre congés pour mener à bien cette mission expiatoire.
Apologie du rapport entre l'homme et la bête, cette fresque dépeint sans amertume la dureté de notre société. Elle exprime avec simplicité comment les choses peuvent tourner. Pour autant, il y a une forte symbolique manichéenne à travers la quête salvatrice de l'assistant social. Aussi, au sortir de ce livre, nous ne sommes pas dépourvus d'espoir, bien plus nous sommes gonflés d'humilité. Un flagrant délit d'humanité.
Le dessin de Takashi MURAKAMI, s'il parait simpliste aspire à un léger réalisme. Du fait la narration est fluide et l'on glisse à notre tour dans cette histoire avec beaucoup d'émotions.
Un premier manga très réussi pour les éditions Sarbacane, réalisé dans les règles de l'art. Une bien belle édition pour ce road movie bouleversant.

© T. MURAKAMI / Futabasha










Le chien gardien d'étoiles, Takashi MURAKAMI, Sarbacane, 2011, 17€50.

mardi 1 novembre 2011

Néandertal

©ROUDIER/Delcourt Edition

Laghou le boiteux est le dernier d'une famille de chasseur. Il serait un poids pour le clan s'il n'était pas un habile confectionneur d'armes. Suite à une chasse, le monde s'écroule pour lui, son père vient d'être tué par le grand bison Longue Barbe et lors de l'expédition sensée venger le paternel son frère protecteur est assassiné par ses autres frères. Témoin de la scène, Laghou s'il veut rester en vie est obligé de garder le silence. Alors, il fuit son clan et jure de tuer le bison maudit et de rétablir l'ordre au sein de son clan. Ses pérégrinations rythmées d'initiations et de perfectionnements, lui permettront de s'entourer de solides amis propres à l'aider dans sa quête.
Réalisant seul ce triptyque, l'auteur excelle dans tous les domaines :
Au niveau du scénario : Emmanuel ROUDIER est bien plus qu'un simple amateur de préhistoire, il épousa d'entrée le postulat de faire parler ses protagonistes néandertaliens, il faut savoir qu'entre temps les découvertes scientifiques semblent lui donner raison. Ensuite, il y a un travail de documentation et de recherche considérable et pointilleux. Sur son blog, il explique par exemple comment avec son ami Florent RIVERE pour dessiner une planche, ils ont reproduit très précisément avec les matériaux et les techniques de l'époque les gestes millénaires. Je me suis amusé à récupérer et assembler les photos de cette rencontre et à les comparer avec la page 38 du tome deux c'est saisissant.


En outre, le triptyque scénaristique est très bien élaboré, le tome 1 fort en émotion plante les problématiques auxquels Laghou va être confronté. Avec le tome 2, le personnage se reconstruit, c'est le temps des initiations et des amitiés. Enfin, le tome 3 livre le dénouement. 
En ce qui concerne le dessin, Emmanuel ROUDIER alterne des séquences de dialogues, d'actions et pour notre plus grand bonheur des séquences plus contemplatives de toute beauté (particulièrement dans le tome 3). Son trait réaliste et la palette géographique des couleurs donnent un rendu brut et bucolique.

© Néandertal, t.2, p.37, E. ROUDIER, Delcourt 

Emmanuel ROUDIER ne nous livre ici ni un néandertalien abêti, livré à lui-même face à la nature, ni un héros d'aventure telle que son ami CHERET nous le dépeindrait à travers une histoire de Rahan. Non, c'est celle d'un homme qui essaye de comprendre, qui réfléchit à son état et réagit à son environnement. Il sort, science à l'appui, le néandertalien du stéréotype brutal dans lequel il était enfermé, pour lui donner un portrait possible.

Néandertal, Emmanuel ROUDIER, 3 tomes, Delcourt, Histoires & Histoires, 13€95